Franz Liszt et Paris
par Nicolas Dufetel
A la conquête de Paris
Après avoir commencé sa carrière en Hongrie et à Vienne, Franz Liszt (1811-1886) arrive à Paris le 11 décembre 1823. Son père, Adam, sait en effet que pour lancer la carrière européenne du jeune prodige, il faut s’y installer, y conquérir les salles et y triompher. Paris restera jusqu’en 1844 le centre de la vie de Liszt.
Dès son arrivée, Liszt est reçu et soutenu par la famille royale aux Tuileries, par le duc d’Orléans (le futur Louis-Philippe) au Palais Royal, et par le ministre des Beaux-Arts. Les premiers mois de Liszt à Paris furent extrêmement importants pour la fondation de sa carrière de virtuose, en France comme à l’étranger. Ce sont les succès parisiens qui ont fait de lui la coqueluche du public et c’est à partir de Paris qu’il est allé à la conquête des scènes publiques, des salons et des cours de l’Europe entière, jusqu’à Saint-Pétersbourg, Moscou et Constantinople. C’est Paris qui a fait la renommée internationale de Liszt, première superstar et musicien engagé de l’histoire.
Quand il arrive à Paris, Liszt se présente immédiatement au Conservatoire pour y suivre l’enseignement réputé dans l’Europe entière. Hélas, le directeur, Cherubini, lui refuse l’entrée car il est étranger. Liszt est alors recueilli par la branche parisienne de la famille Érard, qu’il avait rencontrée à Strasbourg juste avant de rejoindre la capitale. C’est au 13 rue du Mail, dans les bâtiments historiques de l’usine de pianos du même nom, qu’il est accueilli. Comme l’indique une plaque franco-hongroise, ces bâtiments, qui existent toujours dans leur état original et qui sont encore propriété de la famille, furent le « foyer » parisien de Liszt pendant plus de 50 ans (1823-1878). C’est là que se trouvent aussi dans leur état original les superbes salons Érard, où se sont produits Liszt et toute la pléiade des musiciens du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. Le 13 rue du Mail, avec l’ancienne fabrique de pianos qui firent la renommée de la France dans l’Europe entière et avec ses salles de concert qui furent un des principaux lieux de la vie musicale parisienne, est un patrimoine unique, qui plus est lié à Liszt.
1830, les années les plus importantes de sa vie
Liszt passe les années 1830 à Paris. Ce sont les plus importantes de sa vie. Il s’y lie d’amitié avec Hugo, Lamartine, Musset, George Sand, Berlioz, Chopin, Schoelcher et tant d’autres figures incontournables de l’histoire française (lire Liszt et la France). À Paris, depuis 1962, la place « Franz Liszt » (10ème arrondissement), marque le quartier dans lequel le jeune artiste habitait un petit appartement, devenu un des centres de la génération romantique. On trouve aujourd’hui sur la place une plaque commémorative franco-hongroise et même un « Café Liszt ».
Après 1844, même s’il vit à l’étranger, Liszt tourne toujours son regard vers Paris et ne manque pas d’y venir quand il le peut : sa mère, ses enfants, ses amis ont habité à Paris. Lorsqu’il s’y rend, il retourne régulièrement loger au 13 rue du Mail. C’est ce qu’il fait par exemple en 1878 lorsqu’il est le président du jury des instruments de musique à l’Exposition Universelle. Quand il est à Weimar, le comité Berlioz à Paris le sollicite et il donne ses conseils pour les productions parisiennes. Quatre mois avant de mourir, en 1886, il entend dans un salon parisien le Carnaval des animaux de Saint-Saëns, son protégé ; il est alors joué et acclamé au Trocadéro par un public populaire immense, on lui offre des banquets, des sérénades, et il est reçu par le Président de la République au Palais de l’Elysée.
Aujourd’hui, la ville de Paris est pleine de lieux de mémoire liés à Franz Liszt, une des grandes figures de son histoire artistique. Liszt ne fut-il pas aussi le premier musicien à publier un essai sur la condition sociale des artistes et leur rôle dans la société, et ce précisément dans les colonnes d’une revue parisienne ? Paris a fait la renommée de Liszt, mais Liszt a aussi été l’ambassadeur du goût parisien aux quatre coins de l’Europe, jusqu’au Sultan dans son palais de Constantinople.